11 novembre 2018

COMMÉMORATION DU CENTENAIRE DE LA FIN DE LA GUERRE 14-18

COURTERANGES 11 Novembre 2018

 

La cérémonie s’est déroulée entre 11h40 et 13h30 d’abord au monument puis au cimetière, pour se recueillir en présence des anciens combattants ainsi de leur porte-drapeaux.

 

Une quarantaine de personnes sont venues apprécier la lecture les différents textes, lus d’une part par les enfants de l’école (classe de CM1-CM2), d’autre part par des membres du conseil municipal et des courterangeois.

 

L’école de musique de Lusigny sur Barse, en présence de Mr DUPUIT et Mme PARTUISOT était présente, ce qui a permis de rendre la cérémonie plus “vivante”.

 

Madame PETIT ancienne professeur d’ Histoire-Géographie et passionnée, était également présente, elle est intervenue tout particulièrement sur les anciens combattants tombés à Courteranges, en relatant des faits historiques sur ces soldats, et en décrivant leur situation familiale et leur vie avant de partir au combat. Elle a également fait don d’un livre  “Troyes, l’Aube, La guerre” 1914-1922 aux éditions de la maison du boulanger. Dans ce livre on retrouve entre autre des anecdotes sur des soldats courterangeois morts pour la France. Ce livre a été ensuite dédicacé pour la commune.

Le Maire a remercié les différents “acteurs” de cette journée centenaire qui restera gravée dans nos mémoires.

 

Voici les textes lus : ces derniers relataient la perception de la fin de la guerre par différents protagonistes.

 Extraits de la déclaration du Président Clemenceau à la Chambre des Députés (Richard B)

“Le feu a cessé ce matin sur tout le front à onze heures… …Messieurs, je cherche vainement ce qu’en une pareille heure, après cette lecture devant la Chambre des représentants français, je pourrais ajouter… Pour moi, la convention d’armistice lue, il me semble qu’à cette heure, en cette heure terrible, grande et magnifique, mon devoir est accompli. Un mot seulement. Au nom du peuple français, au nom du Gouvernement de la République française, j’envoie le salut de la France une et indivisible à l’Alsace et à la Lorraine retrouvées. …Et puis, honneur à nos grands morts, qui nous ont fait cette victoire. Par eux, nous pouvons dire qu’avant tout armistice, la France a été libérée par la puissance des armes… …Quant aux survivants, vers qui, dès ce jour, nous tendons la main et que nous accueillerons, quand ils passeront sur nos boulevards, en route vers l’Arc de Triomphe, qu’ils soient salués d’avance ! Nous les attendons pour la grande oeuvre de reconstruction sociale. Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, sera toujours le soldat de l’idéal !”

Pétain informe ainsi la Nation dans ce communiqué de presse, à 21 heures (Renaud D)

“Au 52ème mois d’une guerre sans précédent dans l’histoire, l’armée française avec l’aide de ses Alliés a consommé la défaite de l’ennemi. Nos troupes, animées du plus pur esprit de sacrifice, donnant pendant quatre années de combats ininterrompus l’exemple d’une sublime endurance et d’un héroïsme quotidien ont rempli la tâche que leur avait confiée la Patrie. Tantôt supportant avec une énergie indomptable les assauts de l’ennemi, tantôt attaquant elles-mêmes et forçant la Victoire, elles ont après une offensive décisive de quatre mois, bousculé, battu et jeté hors de France la puissante armée allemande et l’ont contrainte à demander la paix. Toutes les conditions exigées pour la suspension des hostilités ayant été acceptées par l’ennemi, l’armistice est entré en vigueur, ce matin, à onze heures”. Philippe Pétain Fermé pour cause de victoire

Le soldat Jean Safon apprend la nouvelle dans la Somme (Valérie G)

“Le 11 novembre à 8 heures, nous faisions la pause à Nesle (Somme) et le colonel était à côté de nous quand un cycliste lui porte un pli en disant : “L’armistice est signé.” Après confirmation par la dépêche officielle, le colonel nous fit arrêter et nous indiqua les clauses principales de l’armistice. Puis il nous fit défiler avec la clique et le drapeau, mais à mesure que nous le dépassions, tout le monde se mettait à chahuter, ce qu’il comprenait fort bien : nous étions vainqueurs. Mais nous n’avons même pas eu un quart de vin ce jour-là dans le village où nous avons été cantonnés.”

Le soldat Werner Beumelburg rend compte de la fin des combats du côté allemand (Marie-Noelle J)

“Dans la matinée, l’ordre arrive aux troupes de suspendre les hostilités sur tout le front à partir de midi. Les mitrailleuses crépitent encore ça et là. Des obus passent en sifflant, dans les deux sens et éclatent en dégageant de petits nuages ronds de fumée grise. Des maisons brûlent. Les explosions d’obus de gros calibre montent des parcs et des jardins, droites comme des cierges. Des aviateurs tiennent l’air. Les fils blancs et ténus de leurs balles traçantes se croisent. Vers midi le combat diminue visiblement d’intensité. Il faiblit lentement et avec hésitation. Par moments il s’arrête déjà entièrement pour quelques secondes. La guerre râle et respire difficilement. Puis des crépitements aux tons grêles éclatent à nouveau. Peut-être est-ce une mitrailleuse qui tire sa dernière bande dans le bleu du ciel. Encore un obus. Deux avions se suivent. Le petit Spad monoplace pique vers ses lignes en décrivant une courbe rapide. Le Fokker se cabre, monte presque verticalement, se retourne sur la queue et repart vers l’arrière. Tout à coup c’est un silence de mort. Lentement les fantassins sortent de leurs trous. En face d’eux, à cent mètres, les sentinelles ennemies sont debout, baïonnette au canon. Les casques plats des Anglais et les casques ronds des Français sont nettement reconnaissables. On se voit pour la première fois depuis quatre ans sans se tirer les uns sur les autres. Le silence persiste. Cinq minutes, dix minutes, une demi-heure. Les compagnies, poignées d’hommes, se rassemblent et se dirigent vers les cantonnements qui leur ont été assignés. Des sentinelles restent en arrière. C’est vrai – ce n’est pas un rêve – ce n’est pas un cauchemar – tout est passé. La guerre est finie. On ne tire plus. Il n’y a plus de balle, ni d’éclat d’obus. Les listes de pertes sont closes. On reverra ses foyers. Au plus profond des coeurs jaillit une émotion sourde, une hésitation violente entre l’allégresse et la douleur atroce. Ô terre natale ! Ô patrie !”

 Le Capitaine Stern lui donne la répartie (Livia P)

“Ça y est ! L’Armistice est signée. Nous l’avons d’abord appris par les Boches ma foi, avec leur radio. Il était 9 h 1/2 ce matin environ. Quant aux avis officiels, ils ne nous sont parvenus qu’à 14 heures. j’espère qu’on a fait plus vite pour en aviser le front et que l’on a arrêté la tuerie même avant onze heures – heure officielle ! Quant à la DSA, elle ne m’a qu’attrapé parce que soi-disant à Troyes on avait arrêté le travail à 15 h ! … Je me doutais de ces dispositions stupides de l’esprit de ces petits potentats, aussi n’avais-je rien fait ici, faute d’ordres. Demain on travaille comme d’habitude. Je m’évertue à stimuler mes gens à les faire travailler malgré l’énervement. J’y réussis et j’en suis fort aise. Ce soir, on leur a fait une représentation au théâtre – pas trop mauvaise ma foi, de cinéma et de concert. Bref, je pense surtout que maintenant on va causer de paix et de retour, que l’heure approche vraiment où l’on retrouvera les siens -et qu’enfin l’on ne tue plus – fini les as et les héros, les lauriers et les Palmes ont été nombreuses et la gloire revient vraiment à “notre France !” Vive la France, Vivent nos chers Poilus ! Quelle joie ce doit être en première ligne et combien je regrette mon 207e où ce doit être fête -oh combien ! Ma petite femme chérie, finie la guerre – à bientôt notre amour repris au jour le jour. Notre Lili entre nous, et tous trois heureux, bien heureux. Dieu nous a sauvegardés, qu’il nous donne maintenant, dans la paix la modeste tranquillité de notre chez nous par la santé d’abord et le bon travail ensuite qui me permettra d’être un bon mari et un bon papa ! Nous allons retrouver nos prisonniers ; Géo, Georges, tous seront là en un beau jour prochain dans lequel s’effacera le cauchemar de cette atroce guerre ! Merci Mon Dieu ! Et que mon cher Papa doit être heureux là-haut, nous tendant nos chers petiots trop tôt enlevés à notre tendresse, je le vois à ma vieille maman, sa soeur, mes chéries, mon frangin, à nous tous qui nous aimons tant – je le vois s’encadrant des deux pauvres petites têtes frêles – nous dire : c’est pour toutes les larmes que vous avez versées et tant de chagrin sincère dont vous êtes inconsolables que Dieu n’a pas voulu vous toucher plus – et vous aurez encore du bonheur bien longtemps. La Guerre est finie, vive la Paix pour l’éternité et vive mon chez moi !”

Un anonyme raconte (Martine R)

“Lundi 11 novembre ma chère maman, Ce matin, de bonne heure, les autos américaines et françaises qui défilent sur la route à cent mètres de notre installation arboraient des drapeaux. Et à 11 heures, nous apprenions à la fois la signature de l’armistice, la fuite du vieux bandit et la révolution en “Bochie”. Et toutes les cloches des villages voisins sonnent de joyeux carillons cependant que le canon a cessé de tonner et que le soleil (de la fête aussi) fête l’été de la Saint-Martin et la fin de la guerre. Te dire notre joie à tous est impossible. Ma première pensée a été pour ceux que j’aime, pour toi, ma chère vieille maman, qui vas retrouver ton pays redevenu français. J’ai jeté un regard sur les Vosges qui se profilent devant nous ; les deux versants en sont français maintenant, et pour toujours !!!”

Un chroniqueur du Miroir décrit la fin des combats (Jérôme B)

“Lundi 11 novembre : l’armistice a été signé. Dans la dernière journée, nos troupes, maîtresses de Mézières, avaient passé la Sermonne, enlevé le village de ce nom et atteint la route d’Hirson à Mézières, au sud de Remwez. Sur notre droite, nous continuons à franchir la Meuse entre Lunes et Donchery. Dans sa retraite précipitée, l’ennemi avait abandonné partout un matériel considérable. Nous avons capturé, notamment entre Anor et Momignies, des canons, de nombreux véhicules de toute sorte et des trains entiers de chemins de fer. Les Anglais, après avoir dépassé Maubeuge, s’approchaient de Mons, malgré la résistance des arrière-gardes ennemies. Leurs détachements avancés poussaient en avant, au sud-est de Mons et arrivaient à la ligne du canal à l’ouest et au nord-ouest de cette ville. Au nord du canal Mons-Condé, ils avaient pris Leuze et touchaient à Ath. Ils avaient progressé de 7 kilomètres à l’est de Renaix. Les Américains avaient réalisé des gains considérables sur de nombreux points, le long de la ligne, entre Meuse et Moselle. Des troupes de la première armée avaient atteint, en coopération avec les unités françaises, les lisières sud de Stenay et occupé le bois de Chenon, an sud de Baalon. Au-delà des pentes orientales des hauteurs de la Meuse, les villages de Gibercy, Abancourt et Grimaucourt avaient été occupés. En Woêvre, la 2e armée avait pénétré dans les lignes de l’ennemi, qu’elle avait chassé de plusieurs fortes positions. Les villages de Marcheville et de Saint-Hilaire avaient été pris. Les Belges avaient atteint le front Nederzwaun-Hermelghem-Boucle-Saint-Denis-Zegem zen. Les unités américaines à leur gauche avaient franchi l’Escaut à l’est de Heuvel. 15 kilomètres d’avance avaient été réalisés au sud et 7 au centre.”

Lettre d’un ancien combattant ( Élèves de CE2, CM1, CM2)

 

Saint-Denis, le 15 octobre 1914,

Cher papa, Chère maman
Avant de quitter Saint-Denis pour les lignes de feu, je tiens à vous dire mes dernières volontés.
C’est avec conscience et en toute connaissance de cause que j’ai demandé à partir. J’ai voulu rester digne du nom Christol. C’est le seul et le plus bel héritage que vous puissiez nous transmettre. Vous nous avez toujours dit que nous devions accomplir notre devoir entièrement malgré tous les sacrifices qu’il comporte ; le moment est venu, il faut chasser les barbares, les massacreurs de femmes et d’enfants, ceux qui ont détruits l’héritage artistique de nos aïeux et qui ont voulu rabaisser l’homme au niveau des sauvages ; il faut chasser tout cela de notre belle France, et pas un Français n’est de trop.
Tous nous devons avec résignation donner notre vie à la Patrie tels les Anciens et nos aïeux de 89, restons dignes d’eux.
Je pars avec votre bénédiction.
Vous êtes tous deux résignés et prêts au dernier sacrifice. Quand vous ouvrirez la présente, je ne serai plus, mais je resterai au fond de vos tendres cœurs. Vous n’aurez pas à rougir de vos pauvres fils et vous pourrez parler d’eux avec fierté.
Je n’ai rien à léguer, vous le savez.
Je voudrais que de temps en temps vous parliez de moi à mes petits neveux, à Pierre surtout, il fut une de mes dernières joies à Saint-Denis.
Je voudrais surtout, et je sais que vous le ferez, que vous consoliez ma chère Andrée. J’ai brisé sa vie en voulant la rendre heureuse. Nous faisions un rêve trop beau tous les deux, les circonstances l’ont changé.
Je sais, mon cher papa, que tu remplaceras le père qu’elle a perdu. Je voudrais aussi, si elle y consent, et si vous faites des lettres de faire-part, qu’elle figure sur elles. Son amour fut grand et mérite d’être récompensé. Nos âmes et nos cœurs ne faisaient qu’un, nos pensées étaient les mêmes. Il ne manquait que la consécration de notre union.
Voici à peu près tous mes désirs et je souhaite de tout mon cœur que vous ne lisiez jamais cette lettre.
Recevez mes plus affectueux baisers. Vous avez toujours été bons pour nous ; il a fallu qu’une guerre barbare détruise la douce maison de la Varenne ou j’ai passé de si bons moments près de vous et de la famille. L’homme propose, Dieu dispose. Adieu, j’aurais aimé vous rendre la vie heureuse que vous avez faites à tous, mais hélas ayez du courage, c’est pour la France et la Justice que votre Julien est mort.
Adieu.

Julien CHRISTOL